mercredi, novembre 30, 2016

LA CONVENTION ARTISTIQUE

  Ce qu’a écrit Homère est aux trois quarts convention, et il en est ainsi de presque tous les artistes grecs, qui n’avaient aucune raison de s’adonner à la rage d’originalité qui est le propre des modernes. Ils n’avaient aucune crainte du conventionnel ; c’était un moyen d’entrer en communion avec le public. Car les conventions sont des procédés pour l’entendement de l’auditeur, une langue commune péniblement apprise, au moyen de laquelle l’artiste peut véritablement se communiquer. Surtout pour les poètes et les musiciens grecs, quand il veut être immédiatement victorieux avec son œuvre d’art – étant habitué à lutter publiquement avec un ou deux rivaux – aussi, être compris immédiatement est la première condition : ce qui n’est possible que par la convention. Ce que l’artiste invente au-delà de la convention, il l’ajoute de son propre chef et s’y risque lui-même, au meilleur cas avec ce succès d’avoir créé une nouvelle convention. Généralement, ce qui est original est regardé avec étonnement, parfois même adoré, mais rarement compris ; vouloir échapper avec opiniâtreté à la convention, c’est vouloir ne pas être compris. A quoi vise donc la folie d’originalité des temps modernes ? »
       NIETZSCHE; Le Voyageur et son ombre; Aphorisme 122.

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