Auteur: Tatiana Rojo dit Amoutati.
Une nuit d’insomnie
A toi que je n’ai pas assez connu ...
« Tu es parti avec une autre femme et tes nouveaux enfants il paraît que tu voulais un garçon. Maman avait eu 3 filles successivement et elle était enceinte de la 4 éme fille moi Tati alors je fus la fille de trop... » Je n’ai pas la relation que mes sœurs ont avec toi
Tu lui jetais de l’argent par-dessus les escaliers au Havre lorsque maman perdait les eaux pour qu’elle prenne un taxi. Elle est allée accoucher seule suivi quelques heures plus tard par ma grande mère ...
C’est avec ses propos que j’ai grandi.
Je ne parle jamais de toi parce que je ne sais pas quoi dire... Je ne t’ai vu qu’à 7 ans tu étais en costume cravate avec ta mallette. Nous étions dans un restaurant vietnamien à côté du collège les Lutins tu mangeais avec des baguettes...
Tu rentrais d’une mission au Japon. Tu étais un diplomate et j’étais impressionnée, admirative. Je m’étais promis de manger comme toi avec des baguettes et plus tard rentrée en France j’étais obstiné à manger avec des baguettes pour te ressembler un peu ..Après plus rien ....Il y a des blessures qui n’ont pas de mots.. J’ai toujours pensé que je n’en t’en voulais pas enfin je ne te connaissais pas comment t’en vouloir.
J’ai endurci mon cœur avec beaucoup d’humour, mon arme fatale a pris le dessus. Depuis mes 7 ans il y a eu 25 ans sans te voir ...Je me rappelle la première fois où j’arrivais sur Libreville à 35 ans maman était morte depuis je ne voulais pas te voir et comment je te reconnaîtrais ...Je voulais faire marche arrière dans cet aéroport et je t’ai aperçu je t ai reconnu tu étais mon miroir ! Nous avons le même visage ou je dirais que maman et toi vous vous ressemblez ! Un homme debout fière et bel homme
Il n y’avait pas de doute c’était toi je t’en ai voulu papa .
C’est ce jour-là que j’ai compris ma colère
Tu nous a abandonné nous tes 4 enfants maman est morte à 54 ans avec 6 enfants sous les bras ... J’étais assise silencieuse vers cet inconnu qui était mon papa ..Je t ‘ai apporté des cadeaux ...Et je t’ai dit cette phrase qui t a blessé « Je te donne parce que je suis chrétienne non pas parce que tu es mon père ou étais tu pendant 25 ans ? »
Tu m’as répondu : « Le sang ne se perd jamais » j’ai failli éclater de rire. Comment en êtes-vous arrivé là ou comment sommes-nous arrivés là ?
Je t’en ai souvent voulu lorsque mon estomac grondait sur San Pédro et que je voyais maman seule se débattre pour 6 enfants ....surtout ce Noël en 1992 où nous recevions ta lettre qui nous expliquait ton noël avec tes autres enfants que tu avais tué un mouton. Nous avions faim c’est ce jour là que je t’ai effacé de ma mémoire. Trou noir. « Il faut rebondir Tati tu n’as que ta maman ..J’ai arrêté de t’attendre j’ai mis une croix sur toi.
Une tournée m’emmène sur Libreville 30 ans plus tard. Mon mari insiste pour que j’aille te voir je n’ai pas envie... un ami Régisseur me pousse à y aller et me fais son propre témoignage sur son père Vietnamien qui ne l’a pas élevé et qui avait ses raisons ...
Maman est morte c’est trop tard …J’y vais quand même te voir sur Libreville.Je suis chrétienne alors j’honore mon père et ma mère du moins j ‘essaie même si c’ est pas gagné !
Même si mes blessures ne se cicatrise pas je garde mon sang froid. J’ai envie de te dire
« Tu nous a laissé dans une galère pas possible toi un Ingénieur agronome un diplomate maman n’a pas tenu tant elle avait des problèmes elle pleurait souvent en cachette » Je me tais et tu insistes pour que je vive ou j’achète au Gabon. « Tu dois être fière d’être gabonaise ! » en silence je m’écris
« Ma blessure intérieure la raison pour laquelle je me faisais tabasser à l’école
Tu ne sais pas comment les enfants et même les adultes peuvent être bête face à la différence.
Comment le métissage entre deux pays du même continent peut être mal vécu si un parent n’est pas là . Déjà même au sein d’un même pays ou d’une même ethnie
Te retrouvé insulter par tous parce que ton papa est étranger mais «ma mère est Bété "en plus je connais pas mon papa oui Je suis née au Havre enfin , ce n’est pas de ma faute ! » tous ces mots que je n’ose pas prononcer. Je fais le clown
Vivre un cours d’histoire en classe de Cm2 ou le Maitre nous dit Samory Toure est mort emprisonné au Gabon et tous les regards et les tchips me concernent et je sais qu’on va encore me taper ! Alors non c’est pas une question de fierté ou non d’être gabonaise mon problème c’est toi mon inconnu c’est compliqué d’appartenir à un pays qu’on a vu une seule fois et devoir recommencer tout le parcours historique du pays ses coutumes ses ethnies et retrouver le même combat pour se faire accepter ...Hélas le sang se perd !Tu ne sais pas tout cela et je me tais je bénis le seigneur en silence d’avoir grandi en Cote d Ivoire..Je pense que si j’étais resté en France j’aurai déballé mon sac avec une force.J’ai la sagesse d’écouter pour ne pas recevoir des paroles de malédictions d’un père que je ne connais pas assez
Moi la fierté de Ma maman
Elle répétait souvent « ”si Assa savait la fille intelligente qu’il a abandonné mon Dieu, il se mordrait les doigts la fille tant rêvée» Et elle souriait en silence j’étais son triomphe
L’un de tes frères arrive il est très vieux alors tu me présentes
Il ne savait pas que j’existais pensant que tu en avais que trois enfants avec ta première épouse Ivoirienne
Je lui donne un billet
Naître en france avec un accent chocobi et rentrer sur San Pédro
Et ma question a été « Ou étais-tu de mes 7 à 18 ans ? Tu ne sais pas qui je suis ... Si j’ai été violé si je suis malade ou étais tu ?
Tu me réponds :
« Tu es là c’est le plus important »
Et tu m’as dit que tu m’expliquerai . Je suis rentré chez moi et j’ai coupé mon téléphone . Je suis l’enfant Pour lequel tu as divorcé ... porte bonheur ou porte malheur mais j’ai réussi aussi parce que j’ai manqué je me suis endurcie en gardant une âme d’enfant merci mon Dieu.
Maman était morte ma porte resterait fermé renouer avec toi c’était trahir sa mémoire... j’avais déjà 33 ans 2 enfants ados
Pourtant le jour de tes funérailles persuadé par mon mari de venir. J’ai entendu les témoignages de chaque personne que tu avais aidé... J’ai vu tes nièces criant leur tristesse des inconnus des prêtres témoigner de ta générosité. Tu étais un Homme du quartier respectable
Un politicien avéré mais la politique t’a tout pris
Tu es monté au créneau contre l’injustice ce licenciement sans raison.
Tu étais un Robin des Bois un politicien hors pair un homme engagé! un fang ! te soulevant sans repos pour que justice soit faite
On t’appelais « l’homme »
Jeune à 17 ans faisant des études d’ingénieur agronome sur Bingerville tu as épousé une Ivoirienne une femme Bété de 15 ans la plus belle femme tu répétais : «Ma maman »
Tu l’as envoyé sur Libreville
Maman disait qu’elle était souvent victime de xénophobie mais ta maman l’adorait dans ce pays si vert ...
Tu l’as ramené à Oyem comme un homme tu l’as imposé à ta famille
Il faut écouter maman parler du Gabon des années 70
Elle répétait en boucle la cote d Ivoire était trop en avance ensuite ,
Tu tombais amoureuse d’une autre femme Gabonaise cette fois ci
Une femme de ton pays lettrée... la polygamie est acceptée maman n’était pas informée et ne pouvait pas accepter qu’une femme lui vole son époux une femme Bété ...Mais tu étais jeune et beau tu voulais une deuxième épouse et d’autres . Mais la gestion des femmes est parfois insurmontable
Assise à côté de toi,Je te vois m’observer en silence et les mots sont lourds ne viennent pas . Qu’est ce qu’on peut dire lorsqu’on a été absent pendant 25 ans. Alors les silences pesants sont là ....En temps normal j’aurai dit quelque chose mais je laisse le silence peser Oh que je n’aime pas ces silences !
Tu t’es battu des années pour nous récupérer peut-être pas assez ! Nous Découvrons à ton décès toutes les procédures que tu as lancé pour que le gouvernement te dédommage du licenciement abussif sur ta personne. Des préjudices sur tes enfants installés en Côte d’Ivoire Des années de procès et des tonnes de dossier que tu as accumulé ou tu demandais l’indemnisation de ta première femme Michelle et de tes 4 enfants dont moi
Pour tout le préjudice économique et social et moral que le gouvernement t a fait subir…
Raison pour laquelle je déteste la politique elle a fini par te tuer ! Elle m’a arraché mon père
Je préfère faire rire sur tous les sujets dédramatiser au max faire une politique autrement celle que maman nous impliquait : Réussir et être présent pour les siens
Nous nous sommes ratés . Je ne ferai jamais de politique il y a trop à perdre ...et je ne suis pas assez guéri
Je ne regrette pas ma vie avec maman elle était pleine de joie si difficile soit elle avec toi je me serai senti peut-être plus forte.Le regard d’un père sur sa fille est boostant
Ma petite morale :
N’attendez pas trop longtemps pour voir vos enfants. Ne prétextez pas qu’ils comprendront plus tard... II sera peut-être trop tard.
Chers ex vous vous êtes aimés ayez l’intelligence de trouver un terrain d’entente entre vous.si vous n’avez pas réussi ensemble votre enfant n’est responsable de rien alors débrouillez-vous démerdez vous trouvez toujours une solution pour le bien de votre enfant
Ne critiquez pas à longueur de journée votre ex devant votre enfant
Un jour il se sentira Minable comme lui
Votre enfant sera tourmenté par ce sang qui est tant décrié par l’autre
Ne délaissez aucun de vos enfants celui-là pourra vous surprendre et être votre miracle...
Débrouillez- vous (dans la mesure du possible ) pour que vos enfants soit fort de ses deux parents
Mettez de l’eau dans votre vin
Assumez comme des lions ou comme des lionnes pour que votre enfant ne soit pas responsables’ de vos choix cherchez toujours « la paix »
Une lettre écrite à 4 h du matin !
C’est en écrivant mon film en allant sur les traces de mon enfance au Havre que j ai pensé à toi...
Repose en paix papa
Photo de mon père et ma mère
