NON SANS PEINE ON EST SOLDAT DE LA CULTURE.
Enfin, enfin, on apprend ce dont l’ignorance
vous causait un si grand tort au temps où l’on était jeune : qu’il faut d’abord
faire œuvre parfaite et ensuite rechercher ce qui est parfait, quels que
soient l’endroit où cette perfection se trouve et le nom sous lequel elle se
cache ; qu’il faut éviter, au contraire, tout ce qui est mauvais et
médiocre sans le combattre, et que le
doute au sujet de la qualité d’une chose – tel qu’il naît rapidement avec un
goût un peu exercé – peut nous servir d’argument contre cette chose, et de
motif pour l’éviter complètement : au risque de nous tromper quelquefois
et de confondre le bien difficilement abordable avec le mauvais et le médiocre.
Seul, celui qui ne sait rien faire de mieux doit s’attaquer aux turpitudes du
monde, en soldat de la culture : mais ceux qui doivent entretenir la
culture et répandre ses enseignements se nuisent à eux-mêmes s’ils demeurent
les armes à la main et transforment, par leur vigilance, leurs gardes de nuit
et leurs mauvais rêves, la paix de leur vocation et de leur foyer en une
inquiétude.
NIETZSCHE ; Opinions et Sentences mêlées.