lundi, février 28, 2011

Vivre dans sa bulle : une balloune à péter?

  Je vous invite à suivre le clip "Enfants du désert" de Diam's comme introduction, avant de lire l'article qui suit, en cliquant sur le lien suivant: http://youtu.be/YXdfgKjvl4c .

Psychologue invité : MICHEL ROY
Sortir de sa bulle. Entrer en soi-même. Penser aux autres. S'occuper de soi… Mais quelle attitude adopter? Où se trouve l'équilibre? Bienvenue dans ce monde moderne peuplé de dilemmes et de choix cornéliens à faire quotidiennement. Aujourd'hui, nous serons confrontés à cette tension critique entre l'individualisme, porteur d'épanouissement, et l'ouverture aux autres, porteuse de sens.
Tous ensemble pour l'individu
Notre ère moderne a été marquée par la conquête de l'individualité, la primauté de l'individu et de son épanouissement sur une conception de l'homme considéré comme une masse indifférenciée et négligeable. Cette conquête constitue une avancée remarquable pour l'humanité et a contribué à asseoir les droits individuels et à promouvoir l'actualisation du potentiel humain. La psychologie a été et est toujours une manifestation et un moteur important de cette révolution. Une de ses applications, la relation d'aide, a pour fonction de supporter une démarche intérieure, hautement personnelle, visant à approfondir la connaissance et la compréhension de soi-même, dans le but de favoriser son actualisation ou de résoudre des problèmes personnels. En caricaturant, on pourrait dire que la psychologie fait l'apologie de l'individualisme (mes émotions, mes besoins, mes choix, mes relations, mon épanouissement).
Individualisme à tout crin? Non
Comme chaque médaille a son revers, le développement de son individualité peut mener à des excès. On assiste, par exemple, à une forme de narcissisme exacerbé, moussé par la publicité et les médias, qui trouve son expression dans le star system et la création de vedettes instantanées. Le triomphe de l'individualité a pris la forme, pour bien des gens, de la célébrité, de leur 15 minutes de gloire. «Je ne suis quelqu'un que si j'existe pour les autres, que si je suis reconnu par les autres.» On assiste alors à des dérives telles que les téléréalités. L'individualisme ambiant peut avoir un autre effet pervers, celui de nous enfermer dans un cocon confortable, à l'abri des secousses et des désagréments extérieurs. C'est l'ère du cocooning, de la recherche d'un confort tout personnel, de plaisirs individuels, de petits bonheurs à soi qui, peu à peu, mènent à l'étiolement de son lien au monde, contribuant ainsi à la perte de sens, à l'évanescence de ce qui transcende la personne, qu'on pourrait appeler conscience sociale, valeurs morales ou valeurs citoyennes, pour prendre un mot à la mode. Comme le dit Charles Taylor, philosophe : «La face sombre de l'individualisme tient à un repliement sur soi qui aplatit nos vies, qui en appauvrit le sens et nous éloigne du souci des autres et de la société.»1
Pour la suite du monde…
Pourtant nous vivons dans un monde où la planète est notre village, où nos gestes, nos choix, ont un impact, à différents égards, sur la planète entière. Notre tendance à l'individualité est donc de plus en plus confrontée aux appels à une forme de transcendance (préoccupation de l'autre, malade ou pauvre, préoccupation de l'environnement…). Est-il possible d'assurer la primauté de l'individu tout en participant à quelque oeuvre qui dépasse sa personne, embrasse l'altérité? Dans l'échelle des besoins de la personne, une fois satisfaits les besoins physiques et affectifs ainsi que les besoins d'estime, de reconnaissance personnelle, la personne se met à la tâche de satisfaire ses besoins d'accomplissement. L'actualisation du besoin de produire, d'accomplir quelque chose constitue l'apogée, si je puis dire, du développement personnel. Il consistera donc à utiliser ses ressources pour l'accomplissement de réalisations au bénéfice des autres par le travail, le bénévolat, la création, l'engagement social.
Poursuivre son développement personnel, s'actualiser n'aura de sens que si cette démarche débouche sur une action envers l'environnement humain et physique. Se conforter dans son cocon individuel ne peut mener qu'à l'assèchement, à un sentiment de vide intérieur… trop souvent compensé par la recherche de sensations fortes, pour ne pas dire extrêmes, dans l'espoir de ressentir un tant soit peu, quelque chose. Vous voulez vraiment pratiquer un sport extrême? Réalisez-vous dans, avec et pour le monde!

  1. Charles Taylor, Grandeur et misère de la modernité, Bellarmin, 1992, 150 p.
En collaboration avec le Service de psychologie et d'orientation

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